Pour honorer la mémoire de sa grand-mère, promouvoir son commerce de vins et fêter ses 30 ans, le caviste liégeois Tristan Dyl a marché pendant 70 jours sur le Chemin de Compostelle. Récit.
Parti de Liège le 11 avril dernier, Tristan Dyl aura donc, comme il l’avait annoncé, bien parcouru 2147 kilomètres en 70 jours pour arriver à Saint-Jacques de Compostelle en Galice le 19 juin, jour de son anniversaire de 30 ans. Un défi « dylantesque », comme il aime le préciser.
Son ambition était multiple. Tout d’abord, rendre hommage à sa grand-mère, Danuta Brzozowska, née en 1938 en Pologne et décédée en 2018, et qui rêvait de faire ce voyage. Ensuite, promouvoir son activité de caviste indépendant, “Secrets Pourpres”, et surtout découvrir les vignobles situés sur sa route.
Pour financer son expédition, il avait organisé un bar éphémère à Liège fin 2020 et proposait depuis plusieurs mois plusieurs coffrets de six vins de « vrais artisans » qui lui ont permis de rassembler quelque fonds. « Je souhaitais dormir chez les vignerons, explique-t-il, mais ce ne fut pas aussi facile que ce que j’espérais, à cause de la crise sanitaire. J’ai marché, seul avec mon sac à dos, six à sept heures par jour en moyenne, parfois plus et ce, par tous les temps. Les premiers jours, en Belgique, j’ai d’abord eu de la pluie, puis du beau temps jusqu’en Poitou Charentes et ensuite de la pluie et du vent avant d’arriver en Espagne, avec les chaleurs que l’on connaît. Mais il faut faire attention aussi de ne pas trop s’exposer, mon meilleur achat a été ce chapeau de paille », dit-il en le soulevant.
Pour se loger, Tristan s’est alors offert des chambres d’hôtes ou des petits hôtels. « Je me suis octroyé un peu de confort à la fin de chaque étape, pour pouvoir aller jusqu’au bout du chemin en aussi peu de temps. Mon boulot est lié à l’indépendant et je voulais donc aussi rendre hommage à des gens qui ont subi cette période.
Certains ont tout claqué pour ouvrir une chambre d’hôtes, mais si personne ne peut y venir, c’est vraiment dur pour eux de tenir. Sur le Chemin de Compostelle, nombreux sont ceux qui vivent du passage des pèlerins et promeneurs, certains coins sont vraiment sinistrés en ce moment. Sans parler des vieilles routes nationales désertées à cause des autoroutes… »

Découvertes vineuses
Pour partager son expérience avec sa famille et ses amis, Tristan a diffusé tous les jours durant les deux mois un “Facebook Live”, nombreux furent ceux qui l’on suivi. Il avait annoncé avant son départ qu’il partagerait ses coups de coeur “vineux”, mais ce ne fut finalement que peu le cas.
« Je les ai vraiment visités, mais je voulais rester discret, pour ne pas que l’on me prenne les adresses et me grille mes idées. Je suis passé par des régions que je ne connaissais pas, comme la vallée de la Marne en Champagne, où j’ai rencontré un vigneron et sa femme qui produisent à partir des cépages d’autrefois. C’est ce qui m’intéresse, mettre en lumière des vignerons qui ont des idées franches et déterminées. J’ai fait de belles découvertes en Touraine-Amboise, mais mon coup de coeur a été le Bierzo dans le nord de l’Espagne. Beaucoup d’appellations s’y réveillent, je pense que les vins sont un peu à la mesure de l’Italie il y a une quinzaine d’années, il y a là un potentiel formidable. »
Mais comment déguster en marchant, direz-vous? « Pas simple évidemment, avoue-t-il en souriant, mais je partais souvent très tôt le matin, ce qui me laissait du temps l’après-midi. Dans les bars à vins, il y a aussi beaucoup de flacons à découvrir, avec des coups de coeur à prolonger chez les vignerons. »


Conférences
Pour prolonger cette expérience, Tristan va continuer d’une part son job avec le caviste tournaisien Brunin-Guillier (pour lequel il démarche les restaurants) et essayer de développer « Secrets pourpres » avec de nouvelles références de vins, mais aussi à travers diverses conférences pour donner envie de voyager.
« On a souvent tendance à emmener son quotidien avec soi quand on voyage, estime-t-il, mais quand on est sur le Chemin de Compostelle, le temps n’a plus d’emprise, on est vraiment soi-même sans les tracas du quotidien. J’ai envie de parler de ces choses, de redonner le goût du tourisme de proximité plus réfléchi.
Durant ce voyage, j’ai vraiment appris la persévérance, j’ai aussi compris que le vin et la rencontre avec les vignerons étaient de réelles passions. Je souhaite faire valoir ces agriculteurs dont le métier est parfois occulté par le commerce et les grandes maisons, faire grandir les petits si je puis dire. J’ai aussi appris que j’étais capable de m’écouter et de ne pas me laisser abattre par l’une ou l’autre difficulté, surtout quand on a un objectif pareil en tête. Et les difficultés sont secondaires finalement. »
Marc Vanel, 07/09/21
Infos: secretspourpres.com