Premier exemple wallon de reconversion d’une ferme en vignoble, le Domaine du Ry d’Argent fête ses vingt ans cette année. L’âge de la maturité ?
Au début des années 2000, alors que le Domaine de Mellemont est avec 3ha de loin le plus grand vignoble de Wallonie, la création en 2002 de Ruffus par Raymond Leroy (aujourd’hui une trentaine d’hectares) et celle en 2003 du Domaine du Chenoy par Philippe Grafé (10, puis 14ha) ouvrent un nouveau chapitre, sinon un tome, de la viticulture wallonne.
Le premier prend la voie des cépages classiques (Chardonnay et Pinot noir) pour produire des vins effervescents, le second opte pour des variétés nouvelles qui résistent aux maladies de la vigne et permettent une viticulture demandant moins de traitements phytosanitaires. Ils vont entraîner dans leur sillage ceux qui sont aujourd’hui les acteurs majeurs du vignoble wallon.
Habitant juste en face du Chenoy, la famille Baele exploitait alors une ferme de cultures et de bovins laitiers depuis plusieurs générations. Le fils de la maison, Jean-François, effectue un stage dans le cadre de ses études d’agronomie dans le vignoble de son proche voisin et, séduit par le projet, décide lui aussi de planter des variétés résistantes ainsi que du Dornfelder (qui ne l’est pas)…
Le premier hectare est planté en 2005, puis deux, puis quatre… jusqu’à huit hectares aujourd’hui à Bovesse et 4 autres à Ohain et Verlaine en tant que « négociant-manipulant ».
Jean-François en 2010 – © Vanel
Un succès rapide
La première gamme de Jean-François, désormais épaulé par son épouse Audrey Payen, sort en 2008 et semble bien appréciée. Deux ans plus tard, en 2010 donc, la récolte est plus que généreuse et le Ry d’Argent sort ses premières bouteilles de bulles avec l’aide de feu Léon Brouir (Vignoble Coude-à-coude). En un clin d’œil, la production passe de 1700 bouteilles à 11.000 !
Les choses deviennent sérieuses. Jean-François se lance également dans la production de cuvées plus accessibles et destinées aux supermarchés. La cuvée Le Noble, produite pour Carrefour est une franche réussite, toutefois je serais plus réservé sur la cuvée « Le Bon Goût des Belges », mais les vins se sont bien vendus.
Et en 2025 – © Vanel
Parallèlement à sa propre activité, Jean-François Baele monte une structure d’appui aux autres vignerons , offrant des services allant de la plantation à la récolte mécanique, passant par l’élaboration complète du vin. Huit domaines bénéficient aujourd’hui de ses services.
« Chez moi, j’ai sept cépages (Regent, Cabaret noir, Cabernet Jura, Dornfelder, Solaris, Auxerrois, Chardonnay) et chez mes clients ont été plantées des variétés favorisant le modèle économique des vins effervescents. J’ai aussi planté trois petites parcelles au Domaine de Ronchinne (ex-Château de la Poste) qui ont été converties en bio. Au Ry d’Argent, je ne pulvérise plus au sol depuis longtemps, j’ai encore quelques points à régler pour une conversion mais j’y pense. »
Recentrage
Aujourd’hui, le Domaine du Ry d’Argent intègre désormais des cépages traditionnels, comme le Chardonnay ou l’Auxerrois, et a affiné ses productions, sans toutefois passer au bio. Le temps de repos sur lattes des vins effervescents est désormais de 36 mois minimum, un nouvel œnologue français réputé (qui préfère rester discret) assiste le Domaine depuis 2019 et la gamme est revue, avec une bouteille unique, un nouvel habillage et les vins sont désormais également en monocépage.
Les interspécifiques disparaissent progressivement. « Cela correspond aux attentes du public, explique le toujours jeune vigneron (il a commencé à l’âge de 22 ans), en vingt ans, on connaît le retour client. Nous essayons de développer des nouveaux marchés à présent. J’ai besoin de l’export pour pérenniser les bases. Là, dit-il en désignant quelques palettes dans son entrepôt, cela va partir pour Abidjan. Je reviens de Chine avec des marchés à développer dans cinq grandes villes… La planète est mon client, et je continuerai tant que j’ai la niaque, conclut-il, avec enthousiasme. »
Marc Vanel, 13/04/25
Infos: www.domainedurydargent.com
