Dominant les carrières d’ocre de Gargas, la colline de Perréal abrite également le Domaine Perréal, une propriété unique de 54ha d’un seul tenant, aux multiples ressources qui invitent au repos et à la sérénité.
[Paru également dans DUO MAG en décembre dernier]
Repris en 2020 par une équipe d’investisseurs suisses et anglais, ce domaine renoue en quelque sorte avec la tradition de polyculture que l’on trouvait autrefois dans la vallée du Rhône, ce qui permettait de compenser des vendanges parfois inégales. A la tête du projet, on trouve Marco Simeoni, ancien ingénieur dans les télécoms et dans l’informatique, mais aussi président de la Fondation suisse Race for Water qui entend agir pour la préservation des océans et lutter contre la pollution des eaux par les déchets plastiques. Il est le compagnon de Marie-Claire Mermoud, suissesse également, qui a travaillé dans le théâtre ces trente dernières années, et qui assure logiquement la communication du Domaine et la gestion des chambres et du restaurant.
A leurs côtés, on trouve deux autres associés. Olivier Barthassat, ancien sous-directeur de Schenk SA, un acteur majeur du monde du vin, il est en charge du développement « viticulture, agriculture, œnologie et liqueurs » ; et Tyson Clemons, paysagiste et chargé des entretiens extérieurs de la bastide.

Respect du vivant
Afin de respecter la juste expression des terroirs, l’équipe a choisi de travailler en bio (certfiée en 2023) et selon les méthodes biodynamiques, pour l’ensemble de ses cultures. Les vignes couvrent 15 hectares, dont 12 en production, avec un choix de variétés de raisins typiques de la région (viognier, roll et roussanne en blanc, syrah – dont certains pieds de 50 ans, grenache et mourvèdre en rouge, avec, en appoint, du sauvignon, du cabernet sauvignon, du merlot et… de la petite arvine très prisée en Suisse.
Si bois et garrigues, oliviers et chênes truffiers occupent la majeure partie des surfaces restantes, les propriétaires ont également fait le choix de développer la culture du yuzu, une variété de citron qui a été plantée en Chine avant de gagner ses voisins japonais, puis certaines régions du monde.
Pour gérer cette culture particulière, on retrouve un agrumiculteur… suisse, Niels Rodin, ancien directeur d’une banque privée qui a choisi, lui aussi, de changer de vie et de développer la pus grande collection d’agrumes d’Europe – plus de 400 sortes d’agrumes, sous serres ou quelques arbres – à Borex, dans le canton de Vaud.
« Au moment de la crise sanitaire et de la fermeture de tous les restaurants, les ventes étaient à l’arrêt, raconte Marie-Claire Mermoud, pendant ma visite du domaine, et Marco a racheté son exploitation. Nous avons alors décidé de développer la production de liqueurs à base de mandarine et de yuzu, et un gin à base de fleur de pois bleu aromatisé au yuzu. Ce département a permis à l’exploitation de demeurer rentable. »
Au moment de la reprise de Perréal, Niels Rodin est venu gérer la plantation de 800 pieds de yuzus sur les deux parcelles choisies, dont une anciennement plantée d’amandiers. « Le yuzu ne supporte pas les températures négatives, et n’ayant pas de serres, nous avons choisi de les greffer sur un porte-greffe qui lui les supporte, mais cette année, cela n’a pas assez bien marché, nous devons changer de méthode de greffe. »
La culture du yuzu est rentable, les plus beaux fruits se vendent à bon prix chez les restaurateurs et les magasins spécialisés en fruits et légumes, et ceux qui présentent des défauts sont vendus pour faire de la liqueur en macération ou en fruits confits chez les confiseurs et chocolatiers.
A côté de cela, on trouve des chênes truffiers ainsi que de nombreux arbres fruitiers qui donnent chaque année de prunes, des kakis, des cerises et des abricots dont la fleur arrive toujours au premier coup de gel. Heureusement, les arbres atténuent les effets du froid et maintiennent l’humidité.

Se ressourcer
Avec son mas de 1000 m² situé en position dominante au cœur du vignoble, le Domaine Perréal développe surtout une formidable offre oenotouristique et propose quatre gîtes de deux chambres (d’une capacité totale de 15 personnes), et quelques chambres d’hôtes généreusement équipées, clairement dans le haut de gamme, qui offrent tout le confort pour passer un séjour ressourçant. Sans oublier deux bornes de chargement électrique, deux piscines et un boulodrome…
Du 1er mai au 30 septembre, la Bastide ouvre également une table d’hôte avec chaque semaine un nouveau menu inventif et bistronomique avec des options végétariennes. Aux fourneaux, un jeune couple franco-espagnol qui passe l’hiver en montagne dans un autre restaurant de Marco Siméoni, et l’été à la Table bistronomique de Perréal, Lucia Ampudia et Maxime Martinage, tous deux ont fait leurs armes dans de belles maisons. Ils proposent un menu chaque semaine différent composé de trois choix, dont une proposition végétarienne.

Les vins
Le Domaine Perréal développe une gamme reflétant les identités de ses terroirs de 12,5 à 55 euros. Pour l’heure, 30 à 35.000 bouteilles sont produites, à terme 45.000. Les vins sortent soit en IGP Vaucluse, sous AOP Ventoux.
Parmi les vins dégustés, mon choix s’est clairement porté sur 5 vins :
- Le Jas, un rosé 2021 Ventoux (60% mourvèdre et 40 de syrah) plutôt gastronomique.
- Le Jas, dans une version rouge (80 de syrah et 20 de Grenache), très souple, pas très extrait et avec des tanins légers en fin de bouche. A besoin d’un bref carafage.
- Trésor de Millésime, rouge 2021, un pur grenache qui n’est pas produit chaque année et qui est élevé en amphores de terres cuites et qui déborde de fruits rouges, avec une acidité soutenue qui porte véritablement le vin, avec de la cerise confite en retour en finale. Un style très moderne et savoureux.
- Les Boussicaux, rouge également avec cette fois 90% de syrah pour 10 de grenache. Les plus vieilles vignes du domaine donnent ici un vin aux fruits noirs, bien mûrs et très bien construit, et enfin,
- Mimésis (IGP Vaucluse) est un assemblage avec 60% de cabernet sauvignon, 30 de syrah et 10 de grenache. Au nez et en bouche, des cerises rouges et d’étonnantes notes chocolatées. Un grand vin de garde à carafer impérativement. Mimésis existe également en blanc, son nez est magnifique. Dégusté juste après son petit frère rouge, il fut parfait.
Marc Vanel, 23/04/25
Photos : Perreal et Vanel