Parmi les maladies de la vigne, le court-noué affecte le porte-greffe et peut conduire à l’arrachage prématuré d’une parcelle infectée. Aucun remède n’existe, mais des chercheurs alsaciens proposent d’utiliser des gênes issus d’anticorps de chameaux. Souci: cela supposerait de créer des plants de vigne transgéniques…
Le court-noué peut être causé par le matériel végétal lui-même, ou être transmis par des vers ronds qui vivent dans le sol à de grande profondeur et qui piquent les racines de la vigne. Comme il n’existe aucun moyen de lutter contre cette maladie, la seule démarche est préventive et consiste à ne pas planter dans des sols infectés par ces vers particuliers. Des chercheurs alsaciens viennent de publier le résultat de leurs recherches dans le Plant Biotechnology Journal et proposent de neutraliser ce virus ravageur en utilisant des gênes issus d’anticorps… de chameau.


En fait, “il n’existe ni variété de vigne naturellement résistante à ce virus, ni traitement – si ce n’est une mise en jachère des vignes infectées, pendant plusieurs années”, explique à l’AFP Christophe Ritzenthaler, chercheur à l’Institut de biologie moléculaire des plantes (dépendant du CNRS) de Strasbourg, et co-auteur de l’étude avec Gérard Demangeat, de l’INRA de Colmar. Pour trouver une solution, les chercheurs se sont appuyés sur les particularités du système immunitaire des camélidés : certains anticorps des chameaux, dromadaires et autres lamas sont plus petits que ceux de tous les autres mammifères.
En exposant un chameau au virus du court-noué (inoffensif pour l’homme ou l’animal), les scientifiques ont obtenu des anticorps fabriqués par ce chameau. Ils ont ensuite introduit dans un plant de vigne des « nanobodies », c’est-à-dire la minuscule extrémité de ces petits anticorps. Ceux-ci peuvent ensuite « s’accrocher » au virus du court-noué comme une clef dans une serrure, et ainsi le neutraliser.
Le procédé a été testé sur des plants de vigne confinés en laboratoire: un rameau de vigne infecté a été greffé sur un autre rameau génétiquement modifié. Or ce dernier n’a pas été affecté par le court-noué. Le procédé n’a toutefois pas été testé en conditions naturelles : on ne sait donc pas s’il est efficace pour contrer le mode normal de diffusion de la maladie, c’est-à-dire via des vers présents dans le sol.
L’INRA sait qu’avec de telles recherches, il avance en terrain miné : de 2005 à 2010, il a mené une expérimentation contestée qui consistait à cultiver, en pleine terre, quelques dizaines de pieds de vigne génétiquement modifiés, déjà censés résister au court-noué, mais suivant une autre technique. L’expérimentation avait pris fin brutalement en août 2010, lorsque des militants anti-OGM avaient détruit la parcelle. L’INRA prend soin de préciser qu’il « utilise les biotechnologies comme des outils pour acquérir des connaissances fondamentales ». « Aucun développement de vignes génétiquement modifiées n’est envisagé à des fins de commercialisation et le brevet initialement déposé en 2014 a été abandonné en 2016 par l’INRA et ses partenaires ».
Dans son laboratoire strasbourgeois, Christophe Ritzenthaler souligne avoir « seulement démontré qu’il était possible d’immuniser les plantes contre la maladie. Mais est-ce que la société veut de cette solution, ou pas ? Ce n’est pas à moi d’en décider (…). La modification génétique, précise-t-il encore, ne concerne que le porte-greffe, c’est-à-dire la partie inférieure du pied de vigne, mais pas la partie supérieure qui produit le raisin”. Un argument qui risque de ne pas suffire à lever les réticences de la profession.
D’après AFPrelax, 15 août 2017
Plus de détails sur la maladie: www.omafra.gov.on.ca